L'espoir fait vivre - PV Waka

Fac de Médecine

L'espoir fait vivre.
Lucy poussa la porte du bar haletante. Elle se dirigea tout droit vers les cuisines, en envoyant au passage sa veste sur le porte-manteau. Elle attrapa à la hâte son tablier de serveuse tout en commençant à regarder les commandes. Il était à peine 7h30 et déjà les petits papiers s’amoncelaient sur le tableau d’affichage. Elle soupira. Deux cafés gourmands, dix bières, une assiette de saison…

Tout en saluant vaguement quelques-uns de ses collègues, Lucy attrapa un plateau et les dix bières pour la table numéro 3. Elle savait exactement qui s’y trouvait. Tous les samedis soir c’était pareil, l’équipe de cricket du lycée Rosa Parks se réunissait, match ou non, et buvait jusqu’à plus soif les fameuses bières locales qui débectaient tant la jeune fille. Les garçons de l’équipe faisaient presque autant de bruit que tout le quartier réuni. Ils étaient généralement accompagnés de midinettes blondes au regard sucré dont les vêtements, à elles toutes, devaient représenter deux fois le prix d’un coupé cabriolet. En effet, l’argent transpirait par tous les pores de leur peau et ils n’avaient que ça à la bouche.

« Pauvres enfants volages… » se disait Lucy chaque semaine comme si elle avait tout vu de la vie, comme si elle en connaissait tous les recoins sombres. Et pourtant ! Sa jeunesse la trahissait et elle était loin d’avoir tout vécu.

S’avançant alors vers la petite troupe, Lucy posa tour à tour les bières sur la petite table en bois d’olivier tout en affichant un sourire poli. Elle avait horreur de les servir chaque semaine et aurait tout donné pour échanger son service. Leur humour gras et lourd de sous-entendus la dégoûtait.

Courant vers les cuisines, elle reposa son plateau désormais vide et ressortit pour rejoindre le bar et aider Charlie. Ah Charlie !

« Quoi de neuf Charlie ? » s’enquit-elle.

Patron du café Saint-Charles

Installé confortablement dans mon fauteuil de couleur rouge, je feuillète le journal tout en sirotant un café. Bien commencer sa mâtiné en douceur , voilà ce que j'aimais. Dans le petit bureau qui occupait le coin droit du bar, j'entendais avec peine les cris des accompagnateurs de notre fameuse télé. Cette pensée me fit rappeler Lucy, qui était sûrement en train de leur donner servir de grosses bières grasses. Cela me fit sourire, je savais ô combien elle détestait ça. Justement, elle entra en trombe et me souris en lâchant de son habituel jolie voix :

Quoi de neuf Charlie ?

Même si elle s'efforçait de le faire disparaître, je voyais bien son agacement caché derrière son sourire joyeux. Compatissant comme je suis, je lui rendis son sourire et m'appuyais sur le divan pour m'aider à me lever. Je me dirigeai vers ma petite machine à café et dis à ma chère amie :

De neuf ? Si j'aurais quelque chose de neuf je t'en l'aurais faits pars, ma chère Lucy.

Quelle expression bizarre qu'utilisait ces jeunes. Une chance que la jeune fille blonde devant moi n'était pas comme eux ! "Yo , jte rjoins tt dsuite haha tavutavu le vieux chnok la boh?" Je ne comprenais rien à leur langage. Retournant mes pensées vers la jeune fille , je lui tendis le café que j'avais si bien préparé.

Sans blague, comment vas-tu Lucy ? Et toi, qu'as-tu de neuf dans ta vie ?

J'aimais bien parler à cette jeune fille pleine d'intelligence. Elle étudiait dans la médecine, et j'étais fière de l'entendre parler de ça chaque matin, alors qu'elle était perdue dans son avenir. Cette jeune fille était comme ma fille. Je me retournai calmement dans ma chaise et jetai un coup d'œil à l'horloge. Dans 10 minutes, j'allais véritablement commencer à travailler.

Fac de Médecine

« Sans blague, comment vas-tu Lucy ? Et toi, qu'as-tu de neuf dans ta vie ? »

Lucy adressa un regard entendu au vieil homme. Comment allait-elle ?

« Plutôt bien. Je suis dans une bonne période malgré le diagnostic médical de ce matin que j’ai complètement foiré. Ma moyenne va être bien plombée mais tout de même je pourrai sans difficulté me rattraper d’ici la fin de l’année. Enfin disons que je serai obligée de me rattraper mais que j’en ai les moyens donc tout va bien. »

Voyant le vieil homme lever la tête vers l’horloge, elle sourit en devinant qu’il allait bientôt prendre son service. Elle le trouvait admirable de continuer à travailler comme cela, avec autant d’entrain sans même se plaindre. A son âge ! C’était un peu comme une sorte de modèle. Elle avait peur de son avenir, de ne pas réussir et regardait Charlie avec une admiration peu commune. Elle avait besoin de s’accomplir seule sans aucune aide. Elle avait besoin de voler de ses propres ailes, de vivre sa vie sans la contrainte d’une dépendance parentale. Tiens, en y pensant, ça faisait déjà plus de deux mois qu’elle n’avait pas contacté ses parents. Ça n’avait pas eu l’air de les gêner.

Une idée lui vint soudain à l’esprit et elle abandonna Charlie seul dans son bureau, perplexe. Elle courut vers la machine à café et en prépara un fort et serré. En revenant dans le bureau, elle posa la tasse brûlante sur le bureau en adressant au vieil homme un air amusé :

« Allez on y croit ! C’est l’heure de votre service et vous allez avoir besoin d’être éveillé. »

De bonne humeur, elle rejoignit le bar et commença à prendre les commandes. Les matins passés à Saint-Charles étaient pour elle les meilleurs car elle travaillait au comptoir avec Charlie et ils avaient en général des conversations très instructives.